12 mars 2008

Organisation moderne des mises bas

La naissance des chevreaux est un moment délicat pour l'éleveur. Il existe deux manières de faire. Assez curieusement, on qualifie mal ces manières de faire ! On parle de modernité pour désigner un procédé rationalisé économiquement et on parle de tradition pour désigner ce que la nature fait seule ! En fait la modernité doit être opposée aux pratiques du monde contemporain. Le monde contemporain est fou, la modernité ne consiste pas à encourager cette folie, mais bien à aller vers un avenir meilleur. Joël nous démontre qu’il ne s’agit pas d’une utopie.
  • La manière contemporaine dans une "agriculture dirigée par une forme de rationalité économique".

La rationalité économique repose sur la vente du lait de chèvre! Facile et simple. L'idée est de récupérer le lait le plus tôt possible afin de le vendre! « La grande idée c'est la valorisation du lait. Au plus vite on peut fabriquer du fromage avec le lait de la chèvre, au mieux cela va ».
On va donc, dès la naissance, traire la chèvre pour vendre son lait ... et nourrir le chevreau au lait en poudre industriel au prétexte que ce lait en poudre est moins cher au litre! Et là, le calvaire commence pour l'éleveur. Dès la naissance, c'est une course contre la montre. On nourrit le chevreau au biberon, on manipule le chevreau qui résiste car ce n'est pas acquis de boire au biberon pour un chevreau! Donc on attend qu'il ait faim. Mais dans l'intervalle de temps, 2 nouveaux chevreaux arrivent, alors on repousse l'allaitement! on casse le rythme du chevreau... et celui de l'éleveur qui se retrouve à 4 heures du matin avec un chevreau récalcitrant dans les bras!
Cette phase des naissances s'étale sur 15 jours à trois semaine et mobilise 3 ou 4 personnes pour faire un travail que la nature peut faire seule!
Ensuite, on remet le chevreau à un engraisseur le plus tôt possible. Or l'engraisseur, par définition, travaille sans la mère. Il nourrit industriellement et ne peut nourrir ainsi qu'un chevreau qui n'a pas tété! Pas fou le chevreau, quand il goûté à la mamelle et au lait maternel, on ne le fait plus passer à la tétine en caoutchouc et au lait déshydraté!
Comment réagir? Comment changer de stratégie?
  • La manière moderne ou naturelle de faire

« Je suis éleveur, ce n'est pas de la sensiblerie, mais je finissais par penser que tout cela était complètement con d'aller contre nature. Ensuite je suis seul sur l'exploitation et je ne pouvais pas assumer seul les mises bas. Enfin, cela devrait se faire tout seul! Donc, j'ai laissé faire la nature ! J'ai veillé aux naissances et laissé les chevreaux sous la mère ! »
Après la naissance, la mère sèche le chevreau, cela prend un certain temps (quelques heures). Dans les 6 premières heures, le chevreau doit boire du colostrum, au mieux au bout de six heures. Il bénéficie de fait du meilleur lait possible, celui qui évolue au rythme de sa croissance! Le lait maternel est idéal. A une semaine, le chevreau boit le lait d'une chèvre qui a une semaine de lactation !
Cela n’est pas le cas quand on allaite. L'éleveur a beau faire attention il ne parvient pas à donner à chaque chevreau le lait de sa propre mère ! De plus, quand on trait, on est sous pression des chèvres, des chevreaux, on nourrit trois fois par jours, en réchauffant le lait. Quand on laisse faire la nature, les chevreaux boivent en fait à la demande (très souvent un peu). « Résultat. Malgré le travail énorme, j'avais souvent un taux de mortalité de 10 à 12% ». Quand on biberonne, on ne donne pas exactement le lait qu'il faut et on a des diarrhées et des décès. C'est pour cela que les éleveurs utilisent le lait en poudre qui est uniforme.
« Je suis content de l'expérience, parce qu'au stade de 100 chevreau cette année, un chevreau est mort né (ce qui arrive habituellement: accident de mise bas) mais je ne déplore aucune mortalité d'élevage ».
Au-delà du lait, l’autre question est de savoir que faire des chevreaux? Les circuits contemporains sont organisés sur ces circuits d’allaitement industriel ! En laissant faire la nature, on se coupe donc de ce circuit. Mais le fait d'évoquer ce changement de stratégie, d'aller vers un élevage traditionnel (ou moderne en fait) et contre un élevage rationalisé (utilisant les circuits et techniques contemporaine d'élevage) intéresse certaines personnes : des particuliers qui ne sont plus intéressés par les chevreaux élevés au lait en poudre. On compte déjà 27 réservations sur 120 chevreaux attendus. 25 chevrettes vont rester sur l'exploitation, il en reste en gros 70 à commercialiser. Ces bêtes sont proposées en vente aux particuliers (les amap peuvent être de bons débouchés). Le reste partira vers des maquignons qui ne paieront pas mieux au prétexte qu'ils ont été élevés sous la mère...
« Je récolte en ce moment 30 litres de lait par jour car j’équilibre les mamelles des chèvres. Spontanément, les chevreaux tèteront plus certaines mamelles. Normalement, je récolterais 150 litres de lait par jour. Le fait de laisser les chevreaux sous la mère représente « théoriquement » une perte sèche en lait. Mais en face j'aurais eu besoin de quelqu'un pendant 15 à 20 jours, de plus je réalise des économies (lait en poudre, électricité puisque je chauffe moins la fromagerie...). Je n’ai pas souhaité faire un bilan trop précis car l’objectif est bien de revenir vers une « vraie agriculture » : celle qui respecte les bêtes et les hommes ! »
Merci Joël !

2 commentaires:

Anonyme a dit…

bravo, tout simplement bravo
je viens de lire avec attention votre article et je trouve cela particulièrement bien et intéressant
en plus de tout, je suis sûr que les fromages seront meilleurs avec des chèvres qui ont pu allaiter leur petits...
bravo continuez, vous avez raison
marianne Abergel

Anonyme a dit…

Idem !
Continuez à nous en apprendre de si belle...